Tomma Wessel, 24-25 Mars 2018, Douai
Bonjour Tomma Wessel!
Merci beaucoup de nous accorder cet interview, juste avant votre venue à Douai pour les Rencontres Nationales de flûte à bec, sur le thème “Musique contemporaine: “même pas peur”.
Comment, pourquoi ou depuis quand vous intéressez-vous à la flûte à bec et/ou à son répertoire contemporain?
A l’âge de 16 ans, mon professeur au conservatoire de Lübeck (Allemagne) m’a obligée à jouer et à étudier plus profondément la musique contemporaine.
Auparavant, j’avais toujours rejeté cette musique, car elle ne correspondait pas à mes critères de « beauté » d’alors.
Comme souvent dans ce cas, j’ai commencé avec Music for a Bird et Blockflöte virtuos de Hans-Martin Linde.
Puis j’ai poursuivi, pour autant que je m’en souvienne, avec Meditation ; des pièces de Lechner et Nachtstücke de Braun.
En participant à des master-classes (avec Braun par exemple) la question m’a de plus en plus intéressé.
Mais j’ai vraiment été attirée lorsque j’ai étudié au conservatoire de Ghent, où chaque année, des compositeurs renommés étaient invités à passer une semaine entière avec les étudiants et à travailler avec eux. Nous avions alors de nombreux concerts, répétitions, conférences… à ce moment-là, j’ai senti que j’aimais la musique contemporaine.
Jouez-vous ce répertoire, quel intérêt cela a-t-il pour vous, votre auditoire ou vos élèves?
Depuis lors, je joue toujours de la musique contemporaine (bien que je continue d’aimer la musique ancienne). J’y trouve beaucoup de liberté : on n’a pas besoin de se préoccuper de l’une ou l’autre règle, que l’on aurait omise de lire.
Les compositeurs actuels me semblent bien plus généreux que ceux qui brandissent des traités.
En fait, je n’ai jamais eu de refus pour des changements que je demandais dans une partition travaillée.
C’est très stimulant de travailler sur de la musique contemporaine qui n’a jamais été jouée auparavant, et de rencontrer autant de compositeurs et musiciens inspirés.
Il est très difficile de dire ce que cette musique apporte à mon public. Je suis sûre que c’est très personnel et varié. C’est également très différent si vous jouez cela dans des lieux de musique contemporaine ou si vous jouez de la musique contemporaine qui va surprendre un public non préparé, venu pour se reposer en écoutant du Telemann. Il m’est même arrivé de vivre une expérience de « portes claquées », que j’ai trouvée assez amusante! Mais j’espère vraiment que quelques pièces ont marqué positivement des personnes… qui sait ?
J’ai toujours essayé de transmettre mon intérêt à mes élèves. On pourrait penser qu’à Bruxelles, au Conservatoire Royal, c’est assez facile puisque j’enseigne uniquement la musique contemporaine.
Mais je suis régulièrement étonnée de la résistance déployée par certains étudiants ayant du mal à sortir des sentiers battus (et j’en ai bien peur, ayant du mal à fournir également un travail sérieux) et voulant devenir les musiciens professionnels de demain.
Personne n’a vraiment envie d’un flûtiste de plus qui va adapter une nouvelle sonate de violon, n’est-ce pas ?
Au conservatoire de Bruges, où j’enseigne à des amateurs, j’essaie d’amener chacun à cette connaissance de la musique des, disons, 70 dernières années.
Comme point fort de ma carrière d’enseignante, je me souviens d’un joli trio de Christian Wolff ; des moutons de panurge de Frederic Rzewski avec 20 flûtistes à bec, des percussionnistes et clavecinistes et enfin d’un énorme Exercice mouvementé de Kunsu Shim (une pièce qui dure 25 minutes) avec à peine un son fragile ppp toutes les deux minutes…
Quelles sont les perspectives aujourd’hui pour ce répertoire?
Quelle musique pour notre futur ? Réponse courte : heureusement, on ne sait pas.
Et sur le répertoire contemporain de la flûte à bec, je pense que la « nouvelle musique » est simplement un créneau musical avec beaucoup de sous-créneaux. Mais dans ce créneau de musique contemporaine, la flûte à bec joue à nouveau un rôle particulier, avec des règles plus souples que pour d’autres instruments.
D’une manière générale, je pense que les flûtistes à bec devraient être ouverts à toute nouvelle musique, et pas seulement celle de leur instrument.
Aller à des festivals, écouter de la musique, parler à des compositeurs, … tout cela est bien plus intéressant que refaire ce que les autres ont déjà fait.
Pouvez-vous résumer le contenu de votre intervention? Concert? Table ronde?
Avec la table ronde, je souhaite montrer quelques belles pièces pour les amateurs, qui ont un réel contenu musical, sans être terriblement difficiles. Elles serviront à nous ouvrir les oreilles, pour nous sentir plus libres et curieux, pas seulement avec la musique contemporaine mais aussi avec la musique ancienne.
Nous avons la chance d’avoir quelques jeunes (ou moins jeunes) joueurs qui joueront ces pièces pour nous.